18/05/2017

Chronique Economique : Toi, la dette

Chronique Economique
Toi, la dette

          Depuis 40 ans, notre pays a vu sa dette croître année après année. Chaque gouvernement a sa part de responsabilité envers la situation actuelle (rappel : la dette publique a explosé la barre des 2000 milliards d'Euros, à quand les 3000?). Je ne vais pas m'amuser à regarder quel Président a été le plus dépensier, d'autres le font très bien. Ce qui m'intéresse aujourd'hui, et ce qui devrait susciter l'attention du plus grand nombre d'entre vous d'ailleurs, ce sont plutôt les moyens qui existent pour stopper cet ogre financier. Le continent Européen présente plusieurs cas de bons élèves sur le sujet (je parle ici également de la façon de gérer la dette, pas seulement des coupes budgétaires ou des choix d'investissements), tandis que d'autres nations, par-delà les terres et les mers, sont également remarquables.

          Dans le cadre de cette petite étude sans prétention, il est bon de souligner que les dettes sont souvent mises en parallèle avec les Produits Intérieurs Bruts des pays. En fait, le PIB (qui représente la production d'un agent économique dans sa valeur globale, non dissociée donc des marges et des coûts) est utilisé aujourd'hui tel une sorte de curseur qui permet de savoir, plus ou moins, si un pays sera capable, un jour, de rembourser (hypothétiquement) les prêts qu'il contracte. De plus, la dette publique doit servir à entretenir la machine économique (principe économique de base), donc si elle surpasse le PIB, on peut estimer, selon les cas, qu'elle est inefficace. Nous pourrions aussi comparer la croissance économique d'un gouvernement avec son endettement, cela pourrait remettre en cause bien des idées et d'anciennes certitudes chez nos amis économistes et spécialistes, je me contenterai dans cet article de parler du PIB de temps en temps. Par contre, ce qui est évident actuellement, c'est que la dette publique Française (qui n'a fait qu'augmenter fortement ces dernières années) ne dope plus la croissance de l'Etat (qui, elle, stagne). Alors que faire finalement? Devons-nous continuer de suivre cette politique économique dépensière? L'Allemagne (oui, on pourrait dire l'Europe, cependant ce serait un peu injuste envers la grande majorité de la dite union) a dit non.

          La méthode Keynes est morte avec la mondialisation et la montée de l'ultra-libéralisme, mariée pour le meilleur et pour le pire au capitalisme vraisemblablement. Il ne reste plus qu'à se tourner vers celles et ceux qui ont réussi à rembourser suffisamment leurs dettes et à gérer leurs budgets correctement. Les pays listés ci-dessous ne sont toutefois pas tous dans ce cas précis, à vrai dire j'ai sélectionné ceux-ci parfois simplement dans l'objectif de démontrer une idée, développée à la suite bien entendu.


1. L'Allemagne, moteur ou frein en Europe?

          Parce qu'il s'agit de la première puissance du Vieux Continent, l'Allemagne montre l'exemple à toute l'Union Européenne. En 2016, le pays réduisait encore sa dette de 24 milliards d'Euros, ramenant son endettement à 71% de son PIB. Vous vous en doutez, les comparaisons avec la France sont alarmantes. En premier lieu, il faut souligner que le premier seuil d'imposition est plus bas Outre-Rhin. Dès 7 600 €, votre revenu est dores et déjà imposable (contre 15 000 € environ en France). Il n'est d'ailleurs pas rare de lire dans divers articles spécialisés que la France peut être considérée comme une niche fiscale pour les pauvres. Non seulement l'Etat Allemand fait plus de recettes sur ce point, mais en plus il dépense beaucoup moins dans les régimes sociaux. Les allocations familiales, par exemple, sont distribuées sous forme d'exonérations d'impôts du côté de Berlin.

          Au niveau de l'assurance chômage les Allemands ont des plafonds de durées et de montants, le maximum envisageable étant réservé aux plus de 58 ans (sur 24 mois, indemnités à hauteur de 60% du salaire net moyen perçu pendant les 48 mois précédant l'inscription au chômage). Là encore, la France est bien à la traîne avec sa maigre exigence de 122 jours de travail minimum au cours des 28 derniers mois, donnant sur une indemnité chômage à montant varié de... 4 mois! Au maximum, un Français peut bénéficier du chômage (non dégressif, qui plus est, comme en Allemagne pour le coup) durant 24 mois (36 mois pour les plus de 50 ans) à durée équivalente de temps d'embauche préalable. Sans oublier le plafonnement de l'indemnité qui peut s'élever jusqu'à 6 200 € (plus élevé d'Europe, l'Irlande n'ayant pas de plafond fixe).

          Toutes ces comparaisons n'auraient aucun sens si je ne mettais pas en lumière les divergences davantage fondamentales entre les deux plus grandes puissances économiques Européennes (le Royaume-Uni étant passé à nouveau derrière la France récemment). Le secteur industriel est assurément l'élément clef de cette mise en parallèle. L'Allemagne met le paquet sur l'innovation et creuse son trou confortablement dans le haut de gamme. Couplée à une éducation performante optimisée (avec moins de moyens budgétaires que la France, les jeunes Allemands, entre 20 et 24 ans, formés puis employés, sont deux fois plus nombreux qu'en hexagone), l'industrie du pays ne peut que bien se porter et regarder vers l'avenir. Malheureusement, du côté de la Tour Eiffel, le constat est beaucoup moins positif.

          L'industrie Française a chuté de 46% en une quarantaine d'années, ce qui représente la fermeture de quasiment la moitié de nos usines. Le manque de compétitivité (à comprendre le coût du travail et la fiscalité, concrètement) est constamment pointé du doigt (puisque lié aux délocalisations de masse), alors qu'il y a d'autres points à citer également. Tout d'abord (avant de lapider généreusement la rémunération à l'heure, par exemple...), le niveau de notre industrie doit être revu à la hausse. Notez que la part survivante actuelle de l'industrie Française est surtout orientée vers le haut de gamme. Tout le reste a été fortement entamé par la concurrence Chinoise, ainsi que par les pays de l'Est, pour ne citer qu'eux. L'évidence est donc sous nos yeux, néanmoins l'éducation nationale ne parvient pas à former de la main d'oeuvre suffisamment qualifiée, dans l'optique d'une relance conséquente du moins. Une étude récente (publiée et commentée par Le Parisien, notamment) désigne même les Français comme les élèves figurants parmi les moins disciplinés du monde... La France peut baisser les salaires, augmenter le temps de travail, défiscaliser les entreprises, etc... Si l'école n'évolue pas, cela n'aura servit à rien, mis à part à appauvrir directement chaque citoyen et permettre à des requins (pas que bien entendu, il y a des renards et même des vipères dans le lot...) de s'enrichir sur le dos davantage courbé des employés.

          En somme, l'Allemagne n'est certes pas parfaite, néanmoins force est de constater qu'elle a su faire les réformes nécessaires, dont des coupes budgétaires franches, dans le but de s'adapter à la mondialisation. En s'emparant du marché Européen et en dégraissant la dette publique, avant d'atteindre le point de non retour, la nation Allemande s'est convenablement armée économiquement. Cela toutefois au détriment des pays voisins qui ne s'adaptent pas, ces derniers récupèrent même du chômage en contrepartie. Soit on suit ce modèle, soit on disparaît, il n'y a visiblement pas d'entre deux viable au sein de l'Union Européenne.


2. Le Japon, l'archipel surendetté

          378 000 km² pour 127 millions d'habitants, le pays du soleil levant est la troisième puissance économique mondiale, derrière les Etats-Unis et la Chine. Comment un pays plus petit que la France, mais beaucoup plus peuplé, peut-il se trouver deux places devant au classement? A savoir, cet archipel se sert de deux paramètres phares essentiels pour influer sur son économie. Le premier pilier est : la monnaie. Le Yen Japonais est une monnaie à faible valeur, comparativement à l'Euro ou au Dollar. Ainsi, les exportations sont largement favorisées à destination des pays utilisant des monnaies plus fortes. Second pilier : la consommation des ménages. Le système capitaliste dans lequel nous vivons dépend en grande partie de la consommation. Celle-ci permet de déterminer notamment la valeur d'un marché selon tel ou tel produit consommé, incluant des prévisions futures plus ou moins fiables. Sauf que le Japon voit aujourd'hui ces deux paramètres grandement chamboulés. En effet, le pays traverse une période de déflation dangereuse (baisse des prix, des salaires, des valeurs), ajoutée aux catastrophes naturelles (et d'autres, qui le sont un peu moins), amenant sa croissance à un état stagnant, qui n'est pas sans rappeler celui de la France. Les Japonais déchantent en ce moment, d'accord, mais enfin leur nation reste une des plus importantes du monde malgré tout.

          Alors, pourquoi en parler ici? Eh bien parce que le Japon, figurez vous, est endetté à plus de 240% de son PIB! Un sacré chiffre qui ferait bondir de leurs confortables fauteuils les représentants de la Banque Centrale Européenne. Le pays du soleil levant possède effectivement la dette publique la plus lourde de tous les pays développés. La politique de l'ancien Empire était d'investir massivement dans le but de booster sa croissance. A présent, cette nation moderne compte davantage sur les investisseurs, soucieuse de ne pas abuser davantage d'une dette massive. Le Japon compte donc sur le retour triomphant d'une croissance forte dans les prochaines années. Même avec l'utilisation de tous les moyens à disposition, rien ne peut assurer cette future progression. Je conclurai donc ici pour ce pays, qui, alors qu'il est sensé être plus fort économiquement que le nôtre, doute quand même en permanence sur ses méthodes et son avenir. Le large avantage que les Japonais ont néanmoins, c'est un taux de chômage très bas et une Banque Centrale qui reste souple selon les besoins. Ce qui prouve bien que l'endettement d'un pays à l'instant T n'est pas toujours un facteur révélateur de sa santé économique, plein d'autres paramètres rentrent en compte, c'est bien toute la complexité de la chose.


3. Les Etats-Unis, porte-étendards du libéralisme

          Voici un Etat fédéral fondé sur un des plus grands génocides de l'Histoire, j'ai le plaisir de vous présenter la première puissance mondiale! Chaque citoyen est en droit de se demander si la politique Américaine, injustement nommée ainsi, n'est pas, finalement, la recette curative face aux maux de notre société moderne. J'imagine que si l'on met en avant le fait qu'il n'existe que peu de lois pour encadrer le travail sur le territoire et que le système social publique est relativement dérisoire (l'Obamacare est en voie de dislocation sous Trump, qui plus est), la plupart d'entre vous scanderont l'injustice et l'inhumanité les plus sévères. Sans doute aurez-vous raison, sauf que les chiffres sont là : les Etats-Unis sont la première puissance économique du monde, qu'on le veuille ou non. Bien entendu, ce n'est pas seulement grâce à l'ultra-libéralisme capitaliste du pays. Voyons donc dans quels secteurs la France peut se montrer envieuse.

          L'agriculture des Etats-Unis est connue pour être exportée partout dans le monde. Notamment reine des céréales, on retrouve les productions de la nation fédérale dans tous les marchés internationaux. L'industrialisation des moyens de culture apportant de grands rendements, l'emploi ne s'en porte pas spécialement mieux, mais les richesses créées ne s'en plaignent pas. Les secteurs des technologies et de l'industrie sont, quant à eux, encore plus puissants aux USA. Grâce au système multi-Etats du pays (qui a des défauts aussi, attention), les entreprises ont trouvé un "bon" compromis entre délocalisation partielle et embauche locale de main d'oeuvre pauvre (issue de l'immigration, pour la plupart, sans compter les clandestins embauchés pour trois sous). Quant aux travailleurs qualifiés : les meilleurs viennent au meilleur prix, quitte à sacrifier une bonne part de leur vie privée (l'argent, il y a que ça de vrai).

          Ce qui est "drôle" avec les Etats-Unis, c'est qu'il y a toujours une facette peu morale, quelque soit le domaine abordé. La solution proposée est donc de permettre beaucoup en restreignant moins, afin d'améliorer la compétitivité et de maintenir un entretien de l'innovation stable dans les secteurs de pointe. Il y a un sacrifice à ce système, qui repose un peu trop sur l'écrasement de l'autre. Ma foi, on dira ce qu'on veut, c'est une recette qui fonctionne encore et toujours économiquement, avec un taux de chômage honorable à environ 5% (la croissance, quant à elle, demeure plutôt stable, autour des 2%, jugée insuffisante par certains, ce seul chiffre constituera un rêve lointain pour d'autres). Par contre, en terme de dette, ce n'est pas le top, puisque nous parlons d'un Etat endetté de 20 000 milliards de Dollars. Ici aussi, nous sommes clairement face à une méthode d'investissements de masse. Tant que les banques prêteront, il y aura des dettes contractées. La garantie Américaine est immense, certes, puisque la croissance n'a de cesse d'exister en ces terres (et c'est un marché titanesque), n'oublions quand même pas que la dette publique atteint 105% du PIB. Un jour, il faudra peut-être payer un peu. Pour le moment ce n'est pas le cas, tant mieux?


4. L'Argentine, la farouche

          En 2001, Buenos Aires annonçait la faillite du pays. Dès lors, celui-ci s'engageait à rembourser 93% de ses créanciers privés, contre une décote forte de 70% de leurs titres (soit un faux choix de compromis plutôt non négociable). Evidemment, les 7% restants (constitués par des fonds vautours spéculatifs) ne se montrèrent pas très collaboratifs face à cette idée. L'Etat Argentin a dû se battre devant les tribunaux et maintenir son cap contre vents et marées (soit refuser de payer ou, de temps en temps, établir des défauts de paiement, tout bonnement) pour arriver à la situation actuelle. L'Argentine peut, à présent, retrouver les marchés financiers (dont elle était bannie depuis) et contracter de nouvelles dettes dans le cadre du financement de son budget. En 2016, le nouveau Président a levé certaines mesures protectionnistes et a dévalué le Peso, afin de permettre à l'Etat latin de se relancer positivement.

          Le recul dont nous disposons sur cette affaire permet d'analyser une chose : par la négociation en tant que nation, il est possible de ne pas payer la globalité d'une dette. Cette manœuvre peut engluer le pays au niveau international, bloquer des marchés intéressants certes, mais elle existe et a déjà été appliquée. Chose difficilement envisageable dans le cadre de l'Union Européenne malheureusement, où les créanciers sont surtout institutionnels et se montrent généralement moins souples (la Grèce peut vous en parler, en mal je le crains). La comparaison entre la France et l'Argentine n'est pas évidente, puisque le pays des Droits de l'Homme (et de la baguette de pain, à vous de voir ce que vous préférez, après tout) n'est pas en situation de défaut de paiement. Cependant, c'est une voie qui nous guette, chers citoyens tricolores, si notre gouvernement poursuit la dynamique dépensière qu'il entretient depuis plusieurs quinquennats maintenant. Les négociations avec les créanciers privés pourraient avoir lieu, c'est une chose à peu près certaine, néanmoins je ne suis pas prêt à en dire autant de la Banque Centrale Européenne. D'où la nécessité de respecter les engagements budgétaires, voir de faire mieux (c'est à dire un budget positif, pour une fois, ça changerait).


Le mot de la fin
Dis-moi combien tu as, je te dirai combien je peux te prêter!

          Je termine cet article en vous rappelant que si vous, personnellement, vous contractez une dette, vous aurez toujours des comptes à rendre à un moment ou à un autre. Même si l'économie, au sens large, peut faire croire à autre chose sous certains angles (dans la dimension des nations), les conditions Françaises ne sont certainement pas adéquates. Rembourser c'est à la fois assurer l'avenir des futures générations, tout en permettant d'instaurer la confiance avec le reste du monde, tissu fondamental d'une économie stable et durable. Les pays d'Europe du Nord (oui, plus au Nord que nous) sont des exemples dans ce schéma là. Qu'il s'agisse d'industrie, d'agriculture, de services, d'éducation, etc... Il y a de bonnes choses à prendre partout. Il suffit de s'intéresser un peu à ce qui existe, sans se fermer automatiquement dès qu'une idée nous parait étrange. Enfin, je dirais que le quinquennat à venir d'Emmanuel Macron sera le virage clair pour la France. Au bout de celui-ci soit nous sombrons, soit nous hissons la tête hors de l'eau. Croisons donc les doigts pour que le pire ne nous arrive pas.

Le Penseur Disparu

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